La crise ne ferait que commencer. Depuis près de trois mois, l’économie est sous cloche. L’horizon pour les entreprises est très flou. La confiance est éprouvée et la visibilité fortement réduite. Quelque puissent être le contenu et l’ampleur des plans de relance, le choc subi met sous un éclairage cru les dures réalités économiques du monde de l’entreprise. Et, de ce point de vue, les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Les pertes d’emplois colossales s’amoncellent, les fermetures d’usines se multiplient et des faillites d’entreprises font légion. Aucun secteur n’en réchappe : tourisme, artisanat, transports, Industrie, Immobilier, Automobile. La liste s’allonge laissant prévoir un bilan post-crise bien sombre.
Il est certain que dans un tel contexte les Responsables des Ressources Humaines sont à la peine. Passons sur les sujets version 2.0. Télétravail et Home Office, digitalisation des services RH et automatisation accélérée des processus de traitements, conditions nouvelles de Management. Ils sont essentiels. Ils ont été pris en charge pour répondre aux contraintes d’adaptation et de réorganisation. Il est même dit que certains projets de dématérialisation qui mettaient 10 à 12 mois pour être réalisés en temps normal ont pu être bouclés en 2 mois ! Ces initiatives vont immanquablement se poursuivre et devront structurer demain la fonction RH.
Mais il y a d’autres volets tout aussi essentiels, plus conventionnels et moins soft cependant ; des volets sur lesquels inexorablement vient butter la fonction RH et mettre celle-ci bien plus sous pression. La gestion budgétaire de la masse salariale dans tous ces aspects, le lien de cette problématique avec la question des équilibres financiers de l’entreprise, le redéploiement ou la réduction des effectifs, les coupes sombres dans les budget de formation et l’arrêt des recrutement.
En fait, des interventions difficiles, sensibles souvent dramatiques mais toutes aussi importantes et vitale au plan stratégique sont conduites. Elles sont, en réalité, au cœur de la gestion de crise. Pour répondre à la crise, il y a comme une forme d’escalade décisionnaire qui est engagée, une sorte de graduation en termes d’interventions. Les mesures prises en réaction au fort ralentissement voire aux cessations brutales d’activités sont d’abord hésitantes puis en deviennent plus drastiques. Aux réductions d’activité sont tout d’abord opposés des ajustements techniques simples : arrêt des pratiques de stages, plus d’appel aux intérims, report des recrutements. Viennent ensuite l’absorption des reliquats de congé et les premières modulations de la gestion de la durée de travail cependant sans incidence sur le salaire. C’est dans cette perspective que l’on peut placer le développement de la mise en place du travail à distance. S’en suivent plus ou moins rapidement des mises en chômage partiel, la fermeture de site et le redéploiement du personnel. Les ajustements deviennent alors bien plus sévères et douloureux allant de la réduction de salaire à hauteur de 50% pour des horaires identiques , à la réduction des horaires de travail et à la mise au chômage technique momentanée avec l’éventualité de réintégration après le rétablissement de la situation des entreprises et cela peut aller jusqu’au licenciement et la perte définitive d’emploi.
Cette graduation ici reprise n’est pas un guide proposé ou supposé de l’action du RH. Je n’ai aucune prétention. Elle vient montrer par l’observation que des sujets d’actualité RH moins médiatisés nous interpellent et nous renvoient à certaines « traditions » RH trop vite oubliées.
Certaines thématiques d’hier sont à nouveau d’actualité et le demeureront : la sécurité et l’hygiène des salariés. D’autres thématiques très complexes feront l’objet d’attention particulière comme la gestion de la durée du travail dans la perspective à la fois d’une modulation et d’une répartition de la durée du travail dans des organisations fortement chahutées par la crise. Il en va de même sur les sujets relatifs à l’impact de la réduction de la durée du travail sur les salaires payés et toutes les dispositions réglementaires qui accompagneraient ce type de décisions exceptionnelles. Très vite les responsables RH seront de la même façon interpellés sur des problématiques moins heureuses et plus abruptes telles celle du droit du travail, des licenciements et des indemnisations. La question du dialogue et des négociations sociales sera aussi en pointe. Les conflits sociaux et les besoins d’arbitrage seront.
L’expertise RH recherchée ou attendue ne sera pas exclusivement digitale. Elle sera aussi et en grande partie de nature organisationnelle et juridique.
Un champ déterminant et capital à ne jamais négliger !
Karim AMARA