Manager : une fonction qui ne fait plus rêver !

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À l’heure où l’entreprise marocaine affronte de nombreux défis et s’engage dans des processus de transformations radicaux, que dire de « la motivation managériale ».

Sera-t-elle au rendez-vous des défis annoncés ? Ou alors sera-t-elle plutôt en désaffection ou en désamour ?


Le désarroi des Managers

Pour mettre en perspective ces interrogations, une très intéressante étude publiée en 2023 par l’Association pour l’emploi des cadres en France (Apec)  met en lumière « le recul d’une ambition autrefois perçue comme l’acmé d’une carrière professionnelle ». La fonction de Manager n’attire plus que 39 % des cadres ; ces derniers seraient de moins en moins nombreux à être séduits par l’idée de diriger une équipe en 2023 tant les motifs de réticence sont nombreux. 

Selon une autre étude, celle d’Opinion Way et Indeed, réalisée en mars 2021, un manager sur deux trouverait l’exercice de sa fonction trop difficile depuis la crise sanitaire. « Les managers sont dans une sorte de ‘post partum’ comme lassés se posant des questions existentielles sur le sens de leur travail » souligne cette étude. Une posture paradoxale d’autant que les exigences du contexte présent appellent à « s’engager et motiver les équipes » précise l’étude. 

Entre stress accru et injonctions multiples subies, les managers seraient en souffrance et de facto les cadres se projetteraient moins dans de telles responsabilités. Dès lors, exit les vocations. Et plus encore, le Manager comme idéal de réussite ne ferait plus recette. C’est en tous cas ce qui nous revient en écho de nombreuses enquêtes et autres sondages.

Dans une autre étude publiée en 2019 par le Boston Consulting Group (BCG) et IPSOS menée auprès de 5 000 employés et managers dans cinq pays ( la Chine, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ) ,le métier de manager ne fait plus rêver. 85% d’entre eux trouvent leur métier plus compliqué. 78% se sentent débordés et 74% d’entre eux plus stressés. 59% des personnes interrogées soulignent également leur démotivation et un fort pessimisme quant à l’avenir de leur fonction. Pire encore, 38 % pensent même qu’elle aura disparu d’ici 5 à 10 ans ! Le désarroi est profond.

Il faut dire que les rapports au travail sont en train d’être modifiés et les motivations d’implication et d’engagement des salariés revues dans leurs essences. 

Une démotivation programmée

Difficile de transposer ces tendances – pour lesquelles nous sommes particulièrement bien informés – au contexte qui est le nôtre. Essayons cependant de prolonger le trait de ces trajectoires vers nos propres réalités. Il est vrai que les enquêtes, travaux et autres sondages traitant directement de ce sujet manquent cruellement. 

Dans une étude intitulée « les patrons marocains face à la transformation de leur entreprise » commandée en 2017 par la CGEM au cabinet Optima, transparaissent en filigrane les tendances précédemment énoncées.

Il en ira très probablement d’une pression managériale accentuée. Les challenges mis en exergue par les chefs d’entreprise anticipent presque tous ce mouvement. Les managers auront pour tâches nombreuses et complexes – mais désormais leur étant effectivement affectés-  le développement des compétences internes, l’identification et la captation puis l’intégration de nouvelles ressources à l’entreprise mais aussi l’alignement des organisations sur la stratégie des entreprises. Ils devront aussi accompagner le développement des organisations au plan de la relève, préparer les successions et lever les résistances internes au changement. Ils devront également faire face à un désengagement et une faible motivation des collaborateurs. 

Grandes inquiétudes pour les chefs d’entreprises quant à la qualité de leurs ressources humaines mais aussi et surtout vaste programme pour les managers !

De façon indirecte, le sujet du management se retrouve placé au cœur du débat sous l’angle de l’appréciation des rapports qu’entretiennent les collaborateurs avec le travail.  La démotivation des cadres serait élevée dans les entreprises marocaines .60% des cadres le serait selon l’étude de e-GRH ReKrute publiée en 2018 sur la satisfaction des cadres au travail. Voici d’une autre manière interpellé le Management dans les entreprises marocaines.

Ceux sont là quelques rares indices mais suffisamment éclairants sur ce que nous pourrions voir se développer comme tendances les prochaines années.

Mais est-ce pour autant que les cadres et autres salariés se désintéresseraient de l’exercice managérial ?

Manager par nécessité ou conviction

Dans le contexte qui est le nôtre, l’intérêt de devenir Manager semble encore intact. En réalité et pour beaucoup la voie managériale est le (seul) chemin de la réussite matérielle.

Passons sur l’idée que la volonté d’accéder à des responsabilités de direction s’expliquerait par le désir d’évoluer socialement, de s’affirmer professionnellement, ou de s’épanouir dans la gestion d’équipe et plus généralement dans la gestion des relations humaines. Cela peut l’être.

Mais devenir manager est d’abord synonyme d’une promotion qui s’accompagne le plus souvent d’une amélioration substantielle de la situation de celui qui le devient. Une augmentation de salaire, des primes octroyées et autres avantages sociaux sont le plus souvent liés à celle-ci. L’enjeu de promotion est donc primordial.  La motivation extrinsèque tient donc une place essentielle dans la propension à vouloir accéder à un poste de direction

Et s’’il y a effectivement compétition pour accéder au rang de manager, c’est probablement parce qu’il n’y a pas ou peu d’alternatives dans l’entreprise qui permette de valoriser autrement les compétences et de répondre au souhait légitime de chacun de progresser. Devenir Manager se pense et se vit donc comme une voie de salut. Au point où certains s’y engagent en l’absence de discernement et sans en avoir nécessairement les atouts, la personnalité ou encore l’expérience nécessaire. Ils y voient « légitimement » une opportunité de changer de trajectoire sociale et matérielle.

Reste que les choses bougent. 

Bon nombre d’entreprises se sont aperçues de la difficulté sinon l’impasse organisationnelle que pouvait entraîner le seul appel d’air constitué par la recherche d’un positionnement « verticalement meilleur ». Il ne pouvait constituer la seule et unique réponse aux sollicitations d’amélioration matérielle de leurs collaborateurs. 

Les contre performances managériales ont fini par démontrer cette impossibilité tout comme le constat des lourdeurs bureaucratiques que génère la multiplication des « chefs » ; une sorte d’armée mexicaine aux impacts immanquablement limitants sur la performance globale de l’organisation.

Sous un autre angle, le relèvement généralisé des compétences au sein des entreprises est en train de bousculer ce prisme. Apparaît désormais l’idée d’expert métier et à travers elle, celle de la reconnaissance dans l’entreprise de filières d’expertise tout aussi « honorables » que celle du Management. Rémunéré à la hauteur de ses compétences, l’expert reconnu peut parfaitement connaître des évolutions salariales conséquentes sans pour autant prétendre à devenir manager surtout si l’appétence ou l’envie de le devenir venait à lui manquer.  Les responsabilités seront dès lors partagées en entreprise. La nécessité de comprendre les motivations intrinsèques des managers en exercice ou potentiellement mobilisables est partagée par les DRH. La préoccupation est nouvelle. De la sorte l’exercice du management serait confié à des compétences impliquées et mieux préparés.  Il serait de surcroît conduit en conscience par ses détenteurs.  

A l’heure où les distanciations hiérarchiques sont mises à mal par une révolution technologique agissant sur les modes collaboratifs et où – presque en conséquence-  les symboliques traditionnelles s’effacent poussant à de nouveaux comportements ;  et au moment , aussi, où l’entreprise fait appel à des compétences pointues fortes de leurs technicités mais assurément moins désireuses de s’investir dans la gestion des hommes, il faudra imaginer et déployer de nouveaux leviers pour nourrir l’appétence managériale et susciter en ce sens des vocations durables à l’exercice de Management. 

En une formule bien simple : Travaillons aujourd’hui plus qu’hier à motiver nos compétences managériales.

 

Karim AMARA

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