Premier film signé par Nicolas Silhol. Premier succès. Entre personnages fictifs mais somme toute bien réels et froides méthodes de management, le réalisateur nous entraîne dans les arcanes féroces des conditions de gestion managériale dépourvues d’affects et dévoyées.
Corporate est un film produit en 2017 venant en écho d’une époque difficile marquée par les ravages de l’ultralibéralisme et de l’égoïsme forcené qu’il peut engendrer.
Sont mises en exergue, ici, les dérives d’un management pouvant devenir particulièrement destructeur. Le ton est vite donné : brutal et violent tout autant que silencieux . Tout part d’un suicide « programmé » intervenu sur le lieu de travail. Un accident malheureux qui ne s’inscrit plus dans l’exception d’un événement singulier mais dans un contexte l’y conduisant. Terrible drame qui invite à une profonde remise en cause des méthodes bien inhumaines de la gestion RH.
« Corporate » est , en effet , symptomatique d’une réalité trop souvent évacuée. Or, comme dans bien des cas, de tels événements sont le plus souvent la conséquence de méthodes de management cyniques écartant toute bienveillance et qui reposent sur des pressions permanentes et des injonctions paradoxales pour obtenir des résultats toujours plus rentables. Tout y passe : mobilité forcée, évaluation comportementale systématique sinon abusive, dictature du chiffre voire hiérarchique. Pour décrire cet univers impitoyable, N. Silhol a entre autres recueilli de nombreux témoignages auprès de salariés victimes de ces formes d’harcèlement moral.
« Corporate » met en scène Emilie Tesson-Hansen, responsable RH d’une grande entreprise ayant pour mission d’opérer justement une réduction du personnel sans pour autant procéder à des licenciements. Or, cette dernière doit faire face au suicide d’un des employés de l’entreprise dont elle s’efforçait d’obtenir la démission par voie détournée. Se jouera par remords, un autre drame « intime », un conflit personnel entre une femme implacable à la perversité redoutable et cette même femme rongée par le doute parce qu’ abandonnée au surplus par sa hiérarchie. C’est cette prise de conscience que relate ce thriller.
Ce long métrage de Nicolas Silhol est construit sur des rythmes différents, avec une alternance de scènes fortes et de séquences beaucoup tout en nuance. Il faut saluer les magnifiques interprétations de Céline Sallette, de Violaine Fumeau, d’Alice de Lencquesaing et de Lambert Wilson.
« Corporate » a le mérite de mettre en lumière le harcèlement moral pratiqué par de nombreux managers d’entreprise vis à vis de leurs collaborateurs dans une sorte d’hypocrisie institutionnalisée. L’harcèlement moral est ,ici, placé au rang de pratique RH systématique et évidemment jamais dite.
Serait-ce alors le temps de bouleverser les approches managériales reposant sur des principes plus éthiques. En ces temps de crise, cette question présente une acuité toute particulière. Aussi, Corporate se visionne avec le recul du temps comme un véritable avertissement ou une sorte d’appel à repousser ce type de dérives du management.
A bon spectateur.
Panorama RH