Difficile de ne pas faire état de cette information récente, ô combien brutale et violente et nul doute symptomatique d’une époque bien difficile voire violente : 900 salariés d’une fintech immobilière américaine agissant dans les prêts hypothécaires auraient été licenciés sur … Zoom !
L’entreprise Better.com se serait, en effet, contentée d’une réunion Zoom pour licencier près de 10% de ses effectifs. Un appel en visioconférence aurait suffi pour s’entendre dire et signifier leurs départs de l’entreprise avant les vacances de fin d’année ! « Si vous êtes sur cet appel, vous faites partie du groupe des malchanceux qui sont licenciées. Vos fonctions s’arrêtent ici et maintenant » aurait été les mots utilisés par son PDG Vishal Garg. Cette annonce réalisée puis relayée aussi sur YouTube à travers une vidéo (supprimée depuis) fut suivie d’un mail des RH précisant les conditions du Licenciement.
Largement reprise dans les Médias, et ce depuis le 6 Décembre dernier, cette information met en exergue un fait nouveau, assez peu conventionnel : celle d’une annonce de séparation sans préavis d’avec ses employés par un usage du mode tant vantée … le distanciel. Nous passerions ainsi du distanciel collaboratif à la prise de distance avec ses ex-collaborateurs.
En soi, la pratique visant à licencier n’a rien de nouveau. Elle est inhumaine et brutale mais ne diffère que très peu des modalités de fonctionnement du marché du travail. Tout particulièrement aux Etats-Unis. Rien d’exceptionnel diront certains. Les Plan de licenciement et autres dispositifs de départs forcés ou de séparation d’avec les salariés sont toujours des moments d’extrême douleur et leur gestion forcément difficile, complexe parce que conflictuelle et souvent aussi longue et délicate.
La chose relativement nouvelle serait donc plutôt l’expression de sa forme : l’usage d’une technologie plébiscitée afin de mettre en œuvre un management à distance pourquoi pas agile pour annoncer la perte de son emploi … à distance ! Quelques commentaires bien sentis et particulièrement caustiques comme celui de Raphael Kattan mettent en perspective le possible usage saugrenu de la méthode. Je reprends ici sa formule : « Hâte de voir les licenciements sous forme d’avatars dans les Metavers ».
L’ambivalence de la technologie s’en trouve ici parfaitement illustrée. La technologie se veut libératrice. Passer outre les problématiques de présence physique, générer de la proximité et de l’instantanéité, créer du lien et faciliter la communication au sein des équipes telles furent les promesses des outils nouveaux mis à disposition des salariés et des managers. Elle possède inversement un caractère aliénant que peuvent traduire déjà une intrusion forcée dans la vie privée des collaborateurs et l’existence de pratiques de surveillance outrancières. L’on (re)découvre désormais une autre facette de la technologie : la froideur et la brutalité. L’exemple de l’entreprise Better.com dans son annonce du licenciement d’une partie de ses salariées par le truchement de ce type de technologies serait-il annonciateur d’une réelle dérive ?
Probablement. Car ce qu’il faudrait peut-être retenir de tout cela, c’est l’existence d’un autre avatar de la réalité amère du fonctionnement de la vie des Entreprises : l’usage peu amène de méthodes managériales brutales qui pour les uns seraient « courageuses » parce que frontales et pour les autres particulièrement cyniques car édulcorées de toutes formes précautionneuses.
Terrible perspective !
Karim AMARA