La QVT au risque de la crise économique et sanitaire

Jean-Yves Arrivé
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Depuis maintenant pas mal d’années, la notion de qualité de vie au travail (QVT) se développe au Maroc et les DRH en sont souvent les fers de lance. Certains parlent parfois de bien-être au travail, voire même, comme chez Dolidol, de bonheur au travail.

Je vous propose aujourd’hui, pour éclairer ce qui se joue depuis quelques mois, de mettre ce concept de QVT en relation avec la fameuse pyramide d’Abraham Maslow qui, dans les années 70, avait exposé sa théorie de la motivation. Même si elle est aujourd’hui discutée, cette théorie supposait que les besoins fondamentaux des individus étaient universels, même s’ils pouvaient s’exprimer et être satisfaits différemment selon les cultures, les milieux sociaux, … Maslow

Maslow a découvert que les besoins s’exprimaient selon une hiérarchie en 5 niveaux, schématiquement exposés ici, même si tous sont continuellement présents. On pourrait dire que la conjoncture va conduire les individus, en fonction de ce qui se passe dans leur environnement, à prioriser leurs besoins. Cela ne veut pas dire que si un niveau n’est satisfait qu’à 50 %, l’accomplissement du besoin supérieur ne peut pas être une recherche de l’individu. En revanche, rares sont ceux qui peuvent exprimer des besoins du niveau 4 ou 5 alors que les niveaux 1 et 2 ne sont que peu, voire pas satisfaits.

Ainsi, ce n’est que lorsque les besoins physiologiques et les besoins de sécurité ne sont plus une priorité que peuvent généralement émerger le sentiment d’appartenance (l’envie d’être contributeur d’une équipe, d’une entreprise) et d’estime (besoin d’être reconnu comme acteur d’un projet, d’une stratégie).  Enfin, peut apparaître le besoin d’être une personne qui s’accomplit au travers d’un projet et qui met en œuvre une stratégie pour le faire émerger et continuer à évoluer.

Depuis deux ou trois décennies déjà, la multiplicité des contrats de travail à durée déterminée, le développement de l’emploi intérimaire a pu mettre à mal pour nombre de salariés le besoin de sécurité. Mais les évolutions dans le monde du travail, l’élévation du niveau d’éducation, de formation continue, les politiques managériales favorisant l’autonomie, la responsabilité, l’implication individuelle et collective ont permis à un certain nombre d’entre eux d’évoluer vers les niveaux 3 et 4 et de satisfaire en bonne partie les besoins.

C’est dans ce cadre-là que l’implication des salariés dans la vie de leur entreprise, leurs talents d’auto-intrapreneur, leur envie d’innover, de faire évoluer leur poste peuvent s’exprimer.

Cette évolution a nécessairement conduit à valoriser le lieu de travail comme endroit de progression, de développement. Les Directions des Ressources Humaines ont été sollicitées pour assister les managers dans le renforcement de la Qualité de Vie au Travail, moteur d’une implication et d’une motivation plus fortes.

L’arrivée brutale de la Covid 19, catastrophe sanitaire doublée forcément d’un cataclysme économique et social, familial, a en quelques mois bousculé la vie de nombreux salariés. Chômage partiel, disparition de petites et moyennes entreprises, licenciements,  dans la vie professionnelle. Gestion des enfants à la maison, désorganisation du système scolaire, risque sanitaire important pour les personnes âgées, déplacements plus complexes, mise en place du travail à distance pour des personnes qui n’ont pas nécessairement un cadre de vie permettant de mener sereinement leur activité ont aussi bouleversé la vie personnelle et familiale.

Majoritairement, les travailleurs ont été brutalement conduits à se recentrer sur les niveaux 1 et 2 : en l’espace de quelques semaines, ils ont vécu ce qu’ils imaginaient loin d’eux : ne plus pouvoir nourrir décemment leur famille, assurer un logement décent, garder un moyen de transport, prendre quelques jours de repos loin de chez eux. Et je ne parle même pas ici des travailleurs de l’économie informelle, qui représente selon les dires mêmes de la CGEM 20 % du PIB, qui eux n’ont jamais quitté les niveaux 1 et 2. Ils exercent une activité de survie, à des années-lumière de la reconnaissance, de l’estime et de l’accomplissement.

Cela veut donc dire concrètement que l’entreprise, si elle veut rapidement retrouver des salariés engagés, impliqués, acteurs (en supposant qu’elle ait conscience de l’intérêt de cette situation pour son développement économique et qu’elle ait impulsé les politiques de développement RH idoines!) doit veiller à satisfaire, particulièrement en cette période, les besoins fondamentaux : nourriture, logement, scolarité des enfants, aide au transport, …, de manière individualisée.

Les D.R.H. doivent être les chevilles ouvrières de cette « QVT de crise » en s’appuyant sur la connaissance qu’ont les managers des membres de leurs équipes.

Rappelons-nous que le « capital humain » est d’abord et avant tout une richesse essentielle de l’entreprise. Pour exploiter l’investissement technique, les dirigeants consacrent des sommes importantes en maintenance préventive, en réparations et cela leur paraît tout à fait normal.

Il est temps pour eux, et plus particulièrement dans cette période difficile, de montrer que l’investissement humain mérite au moins autant leur intérêt, et de le traduire concrètement en actes.

 

Jean-Yves ARRIVÉ

Psychologue, Consultant RH, Executive Coach et Conférencier.

Co’acting

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