Recrutement : les conseils de Daniel Kahneman – Prix Nobel d’économie

Daniel Kahneman
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Difficile de ne pas s’intéresser aux travaux du Prof. Daniel Kahneman quand on évoque les problématiques du recrutement.  Psychologue et prix Nobel d’économie en 2002 pour ses recherches sur les biais cognitifs, ses travaux ont été fondateurs des théories sur l’économie comportementale.

Ne gâchons pas notre plaisir de relire un entretien certes ancien mais toujours d’actualité qu’il accorda au Wall Street Journal (WSJ), le 24 Septembre 2021 ; traduit par Daniel Akst et paru dans le journal français l’Opinion, l’article mettait en exergue les conditions de prise de décision et donc les raisonnements humains rapportés à l’examen par les recruteurs des capacités et des qualités de candidats soumis à des processus de sélection. 

Ces processus constituent des exercices d’évaluation visant à « objectiver » les sélections souhaitées en procédant par différentes méthodes. Daniel Kahneman revient sur quelques conditions essentielles pour les conduire.  Mieux outillé et structuré dans sa démarche, le recruteur peut optimiser ses choix autrement dit réussir avec beaucoup d’humilité à réduire sa marge d’erreur pour éviter un mauvais casting ou bien encore une 

Ses propositions que nous résumons pour vous sont pour le moins particulièrement intéressantes :

  • Les intuitions des recruteurs peuvent naturellement donner quelques indications. La mémoire expérientielle peut jouer favorablement dans les choix opérés. Elle peut s’appuyer aussi sur l’expertise développée par le recruteur au fil des ans. Tout cela peut parfois conduire à des choix « heureux ». Mais ces choix restent bien relatifs et fragiles.  L’intuition dit-il est de « la reconnaissance et non de la connaissance ».  Il faut donc résister à ce genre de réflexe.  Il faut ici se prémunir de l’effet de halo et de ne pas se laisser embarquer par la première impression soient-elles bonnes ou mauvaises ! Il est bien sûr d’autres biais cognitifs. L’intuition relèverait d’un mécanisme de pensée qui privilégierait le moindre effort et n’impliquerait que peu d’énergie. C’est celui qui est malheureusement trop souvent mise en œuvre.
  • Il y aurait lieu sur un autre plan de préparer, agencer, structurer les entretiens. Découper les processus, en préciser précisément les segments et définir précisément les critères de sélection souhaités est une seconde exigence. C’est là son autre recommandation donnée. Beaucoup d’efforts seraient à consentir à ce niveau. Il faut croiser les regards sur les candidats. Il faut former les recruteurs au questionnement. Des connaissances psychologiques, il en faudra. Mais de tout cela, il faut savoir aussi savoir rester modeste nous dit Daniel Kahneman. De bons entretiens pourraient améliorer la probabilité d’identifier le candidat recherché en la faisant passer de 50 à 60% voire exceptionnellement à 65% !
  • La plus importante des qualités que devrait rechercher un employeur ou un recruteur est l’aptitude intellectuelle globale du candidat car elle permettrait de prédire de la performance dans un grand nombre d’emplois et cela sur la durée. Sans prétendre ici développer l’idée de son auteur, cette proposition s’entendrait comme une mise en perspective des futures performances des candidats et cela au-delà du poste initialement prescrit ou bien encore de la situation d’emploi déterminée. On pourrait d’ailleurs mettre en parallèle cela avec  la nécessité d’évaluer les qualités ou compétences dites de pensée critique.
  • L’usage des tests psychométriques et autres est recommandable. C’est une manière d’optimiser judicieusement les processus de recrutement. Fiabilisés scientifiquement au plan de leur construction, testés rigoureusement sur des échantillons appropriés, ces outils peuvent fournir un cadre de référence objectif permettant de rendre les choses comparables entre individus. Je rajouterai pour ma part que des tests psychométriques existent désormais sur le marché. Les fonctions de recrutement en entreprises au Maroc y viennent semble-t-il certes très progressivement mais aussi inexorablement.  Il faudra alors savoir les utiliser à bon escient, de façon éthique et responsable.

Ces quatre pistes proposées par Daniel Kahneman constituent un premier ancrage en terme de possibles réflexions. Elles n’en résument pas toutes les facettes tant ses travaux sont riches d’enseignements.  Son ouvrage de référence « Thinking, fast and flow ou les deux vitesses de la pensée » est un must en matière compréhension de mécanismes de jugement et de prises de décision des acteurs économiques souvent enclins à ce qu’il nomme des routines comportementales. Signalons aussi son nouvel ouvrage coécrit avec le spécialiste en stratégie Olivier Sibony et l’économiste Cass R. Sunstein : « Noise. Pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter » paru en Septembre 2021.  Deux ouvrages à lire impérativement ! 

Tout en vous invitant à vous plonger dans ces lectures, je retiens pour finir la recommandation phare de Daniel Kahneman :

« Il faut faire preuve d’humilité en reconnaissant que nous pouvons évoluer au milieu de nombreuses incertitudes et que les échecs de la prédiction sont fréquents lorsqu’ils ont pour cause des évènements imprévisibles »

De l’humilité, encore de l’humilité, toujours de l’humilité !

 

Karim AMARA

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